Jours plissés
Il s’agit d’une sorte de boutique
qui a été transformée en une sorte de studio de photographies
et qui, depuis a été fermée et on ne la voit plus de la rue.
Ce sont des photographies que je fais en passant, parfois ici, parfois de là
m’arrêtant ou dans la marche, je passe, je vais, droit devant moi, regarder les gens les happer parfois avec l’appareil, pourquoi faire ?
C’est un peu comme quand on écoute une vieille chanson, un vieux disque, les souvenirs peuvent revenir, et on aime ça les souvenirs, ce n’est pas la nostalgie, mais on aime savoir qu’on a été là, ce jour-là, et comme les photos sont toujours les mêmes, on a comme les sens qui se troublent, on les regarde elles sont semblables
proches égales
j’aime ça, je regarde le temps qui passe, je regarde le B et le O qui sont tombés, à cause du gel tu sais
je regarde le monde sur les contreforts de la butte de Belleville, ça ne me rappelle rien, seulement vers juin, le type qui était là a organisé une sorte d’exposition de ses photos, pourquoi pas, on a été le voir, on a discuté, nous a dit qu’il s’en allait, pourquoi non, on a un peu sympathisé, je lui ai envoyé quelques uns de ces clichés, no news et après
rien, je m’en fiche j’ai des choses à faire, ça a été l’été, voilà tout, marcher, la rue, voilà tout, ce n’est pas qu’on sache que tout est perdu (mais tout est perdu), ce n’est pas non plus qu’il n’y ait aucun espoir (il n’y en aura pas), même s’il pleut, même si le temps change, de samedi j’ai écouté Peter Brook en podcast qui disait qu’il trouvait ça « dégueulasse », moi aussi, j’ai repensé à Jean Seberg, « mais qu’est-ce que c’est dégueulasse ? », le pouce sur les lèvres, Humphrey Bogart, et les paroles des chansons, le vieux tourne-disques bordeaux qu’on avait à A. qui passait les vieux disques les compagnons de la chanson peut-être bien, quatre types (ou alors cinq) un peu vieux, un peu beaux, ça chantait, je ne sais plus bien
je regardais hier en passant sur le pont qui n’est plus très bleu au dessus du cimetière de Montmartre, des spectres des fantômes, celui-là où reposent les restes de Dalida sous un mausolée, sa maison, non loin de là, sur les contreforts de la butte Montmartre, en contrebas ces allées, les mails ignobles de mes soeurs, les yeux de ma tante, dans ce lit où gisait ma mère, la fenêtre qui ne donne que sur une cour, troisième étage
une chanson de Jacques Brel, « du lit au lit », une autre de Barbara, « j’étais au rendez-vous », on ne les écoutait pas, Brassens peut-être, ce jour-là au cinéma le Paris, je me souviens, mon père m’avait prêté son manteau (c’était un homme qui n’était pas de grande taille), il y avait Pierre Nicolas, il y avait la sueur, sur le piano qui ne servait pas, il y avait un verre d’eau, une carafe et les chansons, « qui du point de vue de l’esthétique puisse vous élever au pinacle… », tenir sa guitare d’une main par la bouche, les jours plissés voilà ce que c’est
les souvenirs se tiennent là et ne demandent qu’à revenir, il fait beau parfois, les couleurs mais elles passent, les traits aussi, tout cela se délite, ce n’est pas que ça puisse avoir quelque importance, des nuages au ciel
de la lumière qui s’éteint, le point très souvent devient un peu gras, j’accentue, je regarde les stores de l’école, en face, je regarde le monde passer comme des fantômes
devant cette devanture
qui aujourd’ui se trouve bouchée d’un rideau de fer
(j’ai remis le BO) qui ne s’ouvre plus
le photographe est parti, le coiffeur lisse toujours, des snack-bars asiatiques se sont installés non loin de là, la rue comme en elle même, et au dessus le ciel
Je crois bien que les Compagnons de la chanson étaient 9, dont certains plaisaient beaucoup à mes soeurs – sur le 45 tours de la maison ils chantaient « Verte campagne », et sur la pochette tenaient tous dans une voiture décapotable, je crois me souvenir, je chercherai pour être sûre
encore un marchand de boutons qui disparaît (en avais deux aimés près de la BNF la vieille et rue Saint Roch) – plaisir des parcours avec vous
@ L’Employée aux écritures (ça a été ce retour en bus ?) : vous avez raison, 9, je viens de regarder, 3 ténors, 3 barytons, 3 basses, qui chantaient aussi « les Trois Cloches »…
@ brigetoun : ce marchand-là ne devait exercer, probablement, que dans les moments où chantaient les 9 précédents…
ce
collier
de
BOutons BOurdon
est beau
beaucoup
BO
beau-bo
beau-coup
Beau
BO
Il me semblait bien avoir déjà vu cette photo sur ton blog, cette boutique avec son intitulé poétique.
Les boutiquiers ont toujours un problème de boutonnière.
La mémoire recoud.
@ M. Am Lepique : merci BOcoup
@ Dominique Hasselmann : tout vient à point, tu vois…
[…] captés désolé), puis partir, croiser les jours plissés boutons bourdon désormais amputés de l’ »i » de plissés, du […]