Louvre 2
Des oiseaux qui ne respectent rien, le gris du ciel c’est février, il y a dans l’air ce quelque chose d’aigre, de piquant, si ce n’était le matin vers onze heures, on pourrait craindre la neige, si ce n’était un mardi, on croirait aux tempêtes, ces jours-là, je marche dans la rue, puis descendant le boulevard j’ai toujours une pensée pour cette librairie des spectacles transformée en hall de vente de cuisines, une horreur, je passe devant un chausseur aux paires vendues à un prix affiché en nombres de 4 chiffres, les lacets sont au rouge, dernière mode, abjection tout de même, je descends la rue, m’arrête chez la vendeuse de fleurs, elles changent mais restent des filles, toujours, fleuriste un métier de fille ? ça peut, pourrait-pourra (faire appel au syndicat des fleuristes pour tenter l’évaluation ? impossible, les mains dans l’eau toute la journée), plutôt des claires, oui, très bien
s’arrêter au tabac boire un café, entrer demander, ah mais elle a changé, et votre soeur est là, ma soeur est là, je frappe donne le bouquet, pourriez vous lui donner aussi cette lettre ? oui, je redescends, traverse, la cour du musée pavillon Turgot
à ma gauche l’arc de Triomphe et l’obélisque et l’arc de Triomphe au loin, celui de l’étoile, la place en haut
c’est à droite qu’elle vivait, c’était à droite quand elle vivait, souvent le souvenir d’elle revient, rive droite il est là, un peu et elle et ses twin-sets, on avance, on se retourne, pavillon Mollien une autre grue, la laisser derrière soi,
s’approcher des roues, les pneus je me souviens, nettoyer le noir de carbone dans l’extension, je me souviens de la paye le samedi midi, en liquide à deux francs quatre vingt dix de l’heure, je me souviens de ce temps de la BSA monocylindre cinq cents centimètres cubes, à démarrer au kick, un sacré coup de savate, loin dans le froid picard,
le tambour de frein minuscule à l’avant, plus petit encore à l’arrière, les années soixante, là des lampadaires
vers onze heures, ma tante dort encore, les rideaux sont tirés, le fleuve coule sous ses ponts, les touristes vaquent, vont saisir, essayent de comprendre, traversent aux guichets
on procède par accumulation, on pose des photos, on les prend et on les publie, des gens passent, les souvenirs aussi, au loin Saint Germain l’Auxerois, j’avais aussi à l’esprit saint François d’Assise, saint François Xavier, des saints dont cette capitale regorge, Sulpice, Placide, Michel et Denis, Eustache, Jacques, Martin et Germain, combien sont-ils donc, des rues et des avenues, on attrape le métro sans conducteur
sans passer à la librairie, le livre de Bourdieu j’attendrais qu’il paraisse en poche, je l’emmènerai comme je porte celui de Visconti, je lis et j’apprends, je regarde et je me demande quand pourrais-je donc aller voir Senso ou d’autres, puis il faut changer
un jeu de pistes croirait-on, mais non, le voyage de retour, d’aller, aussi tout autant, son médecin était à la rue de Rivoli, une porte ouvrait à main gauche, une sorte de deuxième étage à la moitié de l’escalier, tout en longueur, je me souviens que tout était inutile, laissez-la se reposer, que voulez-vous qu’on puisse faire, lui trouver un lieu, oui, ce serait le mieux c’est épuisant, mais c’est la fin, je ne vous la dirais pas en mois… Ce jour de juillet, avec mon frère, sous ces arcades, nous avions froid aux os mais qu’en saviez-vous, vous deux, il n’était pas midi et il fallait tout de même continuer, non pas à vivre, mais à supporter, comment faire, demander aux spécialistes, une issue, une porte de sortie, un lieu un espoir peut-être, n’en gardez pas
les gens sont ainsi qu’ils sont, en tout cas, préoccupés, des choses à faire, des choses à lire, on regarde devant soi, la rue ne change pas, il ne fait pas si beau, c’est Paris, le mois de juillet soixante, celui de deux mille huit, et une cinquantaine d’années plus tard, c’est février il est midi, le monde va comme il va, les choses sont comme elles sont, on serait seul au monde, nous n’aurions plus de parents, ces deux-là, sur le siège avant de la quatre cent trois bleu nuit, ces deux-là, lui et ses lunettes, sa montre d’or à fond noir, elle et son sourire, ses cheveux bruns comme ses yeux noirs, leur rire et leur humour, on serait seuls au monde, et là-bas, au loin, on verrait la tour Eiffel en son ciel gris et or
Jamais conduit de BSA mais je me souviens du kick (comme le retour de manivelle pour la 4 cv réfractaire au démarrage).
Tu as su embarquer mots et photos dans ta petite musique (allusion mozartienne et non de taille), c’est beau : les souvenirs combattent le présent, on ne sait jamais qui sera vainqueur.
la dernière photo est MA-GNI-FiQUE!!!
[…] le prends revenant de l’autre rive où je lui porte chaque semaine des fleurs, mardi dernier même ce geste d’amitié a été traîné dans l’ordure, mais changer de […]