Vases Communicants Novembre 11
Pour ces Vases Communicants de novembre, « Pendant le week-end » a le plaisir de recevoir Franck Queyraud, tandis que celui-ci accueille Piero Cohen-Hadria sur son blog, « Flânerie quotidienne ».
Entre les lignes, il faudrait lire…
Dans le journal Le Monde il est écrit en Une que « le philosophe allemand Jürgen Habermas craint que la crise n’emporte la démocratie » puis je lis « le sommet du 26 octobre est le sommet de la dernière chance ». Je pense : la dernière chance de quoi ? Je ne me sens plus en phase. Les nouvelles s’enchainent, les catastrophes aussi, et les fins du monde, et les classements, et les mauvaises notes des pays opulents qui se flagellent, et… etc. Je tourne les pages en papier. Essaie de lire entre les lignes d’autres Cioran de pacotille. Je change de journal. C’est exactement la même voie. Et, le monde continue tranquillement de mouiller son fil et tente de l’enfiler dans le chat de l’aiguille. « La situation des défenseurs des droits de l’homme a continué de se dégrader dans le monde en 2011 », selon un rapport de… Je laisse tomber le journal. Je m’assoupis. Me réveille en sursaut : reprend le fil de la Timeline qui sans cesse défile comme une roue et me raccroche à l’instant : « non, dit-il à la migraine qui s’annonce avec ses gros sabots » écrit un certain DB, il y a trois minutes. A la radio, un certain Antoine, éditeur dit que « la vente de livres est la première industrie culturelle en France ». Je ne suis pas sûr d’avoir bien entendu. Esquisse un sourire. Pas drôle. Mais j’entends la voix d’Antoine. Il est content Antoine et la journaliste qui l’interroge aussi. Le monde n’est pas aussi noir qu’ils le disent. Las auditeurs rêvent d’îles. J’essaie de relier tous ces points comme les escales d’un navire sur la surface mouvante de l’océan, de reconstruire des lignes de fuite. N’y arrive pas toujours. Hésite entre toujours ou jamais. Créer de la surface entre les lignes. J’en ai conscience. C’est déjà çà, chanterait l’autre. Dans le labyrinthe de Cnossos, retrouver le fil mais Ariane vient de décoller de Kourou. Dernière chance, aussi ? Je souris, doublement. Francis R. réagit à la voix d’Antoine : « Gaston a eu sa rue. Antoine a son à voix nue. ». Francis R. que je ne connais pas mais que je lis, écoute la même émission. Le fil de l’oiseau bleu. La ligne bleue des Vosges. Me rapproche de mon horizon. Ce matin, dans les bouchons causés par le sommet de la dernière chance. Les autos collées les unes contre les autres. Et les poids-lourds stockés en file indienne. De la légèreté, voudrais… J’essaie de voir entre les lignes de ma main. Le temps passé. Les cassures, les brisures, les pliures… Tiens, une petite paillette brille dans ma paume. Mais d’où vient-elle ? Le chemin est cet horizon proche : prendre la main de celle qui m’accompagne. Je jette les journaux. En attendant, écoute Bad as me…
Franck Queyraud / Silence
Les autres Vases Communicants sont ici : merci à Brigitte Célérier pour son travail toujours magnifique.
[…] Piero Cohen-Hadria… Une collection de type humains, comme écrivait Blaise C. Il publie mon Entre les lignes, il faudrait lire… sur le blog collectif : Pendant le Week-end. Bienvenu Pierre… […]
Dans le tourbillon de l’info (journal papier ou pas, radio ou télé : le même refrain dominant quel que soit le support), essayer de surfer, ce qui ne veut pas dire aller pêcher à la ligne et se mettre de côté, sur la rive.
Regarder la main détourée : la ligne de vie n’est pas facile à interpréter (c’est une sorte de métier, paraît-il, hélas en voie de disparition). Mais la biométrie va prendre tout ça en compte et la moindre nervure en rendra sans doute certains nerveux (les nervis de l’Intérieur).
Préhensible et accueillie par une autre, la main reste un moyen de communication pas encore uniformisé. Elle permet aussi de taper de beaux textes.