Travailler
C’est un carnet de travail, et insensiblement, il a tourné vers quelque chose d’autre, mais cependant le travail continue, et la santé avec lui.
Pour ce quatrième cycle, les choses ont un peu changé puisque je fais partie du comité de pilotage de cette manifestation et que les films choisis font partie d’un genre particulier, le documentaire, qui prend, à ce qu’il m’apparaît, une importance particulière dans l’existence même du cinéma. En salle. Et parce que c’est un cinéma didactique. Probablement.
Ici, donc, c’est un partenariat entre le Cnam, la Cité de la Santé et la Cité des Métiers.
C’est parce que j’aime le cinéma
que ce travail m’intéresse. C’est parce que j’aime le débat aussi (je n’y prends pas, cependant, part : je dois être transparent). Je m’interroge simplementsur ma pratique.
Samedi, ce fut le film de René Baratta, « Le Nucléaire et l’Homme » (2002), qui fut présenté . Si j’en rends compte ici, c’est pour marquer que le cycle a bien commencé, et qu’il se poursuivra par trois autres documentaires, eux aussi liés à cette problématique de la santé au travail.
C’est un film instrumental : il se sert de ce qu’on voit si on suit les « arrêts de tranche » dans ces centrales nucléaires que le monde entier nous envie, pour mettre en scène plusieurs colloques où se discutent les conditions (sociales, aussi) de production de l’électricité en France. Maintenance, sous-traitance en cascade, travail périlleux et absolument nécessaire : le monde entier (je veux dire le pays), en effet, se devrait, donc, pour ces hommes (beaucoup, beaucoup d’hommes, très peu de femmes), de penser à l’intégrité de leurs corps.
Il m’a toujours semblé qu’il y avait là une moindre des choses, c’est une des raisons de cette sorte d’engagement qu’à mon échelle, j’essaye de mettre en oeuvre (j’ai suivi, il y a plusieurs années,le débat public, organisé par la Commission Nationale du Débat Public, sur les déchets nucléaires).
Dire et faire savoir donc. Si on nous expliquât (le docteur Michèle Gonin, courageuse) que épidémiologiquement, d’après des études faites sur des cohortes scientifiquement établies, la maladie des maladies (le cancer en l’occurrence) ne pouvait être établie comme effet de ces travaux sur le corps de ces hommes, ou sur un pourcentage simplement « acceptable ». Si on nous expliquât aussi (Michel Lallier, expert membre du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire, limpide) que les seuils de tolérance (20 millisieverts) de ces maladies n’étaient pas simplement mesurables année par année, mais probablement cumulables. Si l’on vît, dans le film, le docteur Annie Thébaud-Mony nous expliquer que, de seuil, et dans ces matières, il n’en existait pas. Si tous ces préalables doivent être énoncés, et compris, il n’en reste pas moins que c’est le monde entier (nous tous, collectivement) qui se trouve responsable de ces maladies sur ces hommes : un seul malade suffit à légitimer l’existence de ces luttes, car il y en a. Les opérateurs se défossent sur leurs sous-traitants, lesquels agissent de même sur les leurs, et les responsabilités sont diluées : certes, mais c’est la société toute entière qui est responsable. Et comme l’expliqua la sociologue Marie-Anne Dujarier, c’est encore (à nouveau pourrait-on dire), la privatisation de ces entreprises de service public qui est à la source des possibilités d’existence de ces agissements : exiger, comme le font la plupart des investisseurs du monde de la finance, des gains pour leurs actionnaires à deux chiffres, est insoutenable non seulement pour ces hommes exposés à ces rayonnements ionisants qui détériorent leur santé, leur corps même, mais aussi pour la société toute entière qui, par là, s’asservit à des marchés dont l’éthique ne tient qu’en un mot : profit.
On a lu le livre d’Elisabeth Filhol (qu’on ne désespère pas d’accueillir en résidence sur mélico), « La Centrale » (POL, 2010) : cent quarante pages, d’une écriture serrée et tendue, pour décrire ces conditions.
Ici, de même, que fait-on pour ces 15% d’hommes qui signent des contrats sans garantie de prise en charge, par la société, des heurts qu’ils subissent, des doses de radioactivité qu’ils intègrent, et des stress incessants auxquels ils sont soumis dans leur travail ? On a peur de conclure.
Le mois prochain : 19 novembre, (de 15 à 17h30), le documentaire de 52 min, réalisé par Patricia Bodet et Bernard Debord, pour Mat films et France Télévisions, 2011 « Orange amère ». La projection est suivie d’un débat avec la salle et d’une rencontre avec les participants. Dans la limite des places disponibles…