Se réveiller
Puis je me suis réveillé à nouveau. Au début, je pensais sortir d’une longue sieste dans le salon de mes parents, probablement à la suite d’un copieux repas dominical traditionnellement accompagné de Chablis ou d’Irancy. Je me souvenais: mes parents, originaires de Bourgogne, enfants de vignerons tous les deux, transformaient chaque repas en séminaire œnologique. Baignés de jus de raisin depuis leur enfance, ils avaient un avantage certain sur la plupart des amateurs de vin. Pendant le repas, les discussions tournaient toujours autour des robes et du tanin au grand désespoir de la dinde ou du gigot qui ne bénéficiaient pas de la même passion.
Somnolent, je retrouvais les mêmes sensations brumeuses désagréables d’après-midi pataudes où l’on n’a encore rien foutu de son dimanche. Vautré sur le canapé familial à ronfler comme un sonneur, partiellement bourré, le ventre gonflé, j’attendais mon réveil complet en rêvant à des lendemains plus glorieux. Mais cette fois-ci la situation était toute autre. Et si dans les premières secondes qui suivirent le soulèvement de mes paupières je me suis d’abord senti plongé dans ce passé des familles, les secondes suivantes furent un pèle-mêle de sensations de soulagement et d’inquiétude. Non, ce papier peint, je ne le connais pas, mais je ne sais pas où je suis.
Adrien Villeneuve
Poursuis, poursuis.