En revenant de l’expo
Pendant trois ans, peut-être un peu plus, je suis allé au cinéma entre six et vingt fois par semaine, j’étais étudiant, j’étais aussi commentateur radio, je n’avais pas de carte,
mais je connaissais certains plans, les projections de presse, certaines sorties ouvertes quand il le fallait, les cinémathèques dont une dont j’étais l’assistant (je dis merci à Claude Beylie mon prof mais mon camarade de cinéma), j’allais tous les mercredis matin à onze heures, au 79 Champs Elysées (Balzac Zéro Zéro Zéro Un!!!) retirer une feuille rose, choisir un film (une salle) pour répertorier les pubs qui y passaient avant le long métrage, je n’avais pas spécialement de difficultés pour entrer dans une salle, en réalité, c’était pléthore, profusion et abondance sans excès, parfois embarras du choix.
J’aime le cinéma.
J’aime aussi les expositions. Ce dimanche, je suis allé à la Cinémathèque (j’aime bien ce bâtiment, ce terrain, ce quartier mortel pourtant, quelques restaurants, mais un tabac ? Niet!). Si on traverse cette passerelle qu’on a nommé du nom du Castor, on parvient à cette bibliothèque venteuse en ses entrées (comme la faculté de Jussieu, exactement : rien n’a changé donc, pour les architectes ?) dont les quatre coins etc etc…
Il y avait là une bonne centaine de personnes qui patientait sous la pluie. Parapluies on grelotte, on attend, on patiente.
Il y avait là une exposition sur la chevelure des femmes au cinéma (car il est entendu que les hommes n’en portent point : Yul Brunner, viens à mon secours…!).
L’entrée est formidable dans cette exposition : il y a à deux mètres trente du sol trois écrans réversibles où court une jeune femme brune et asiatique, un long travelling qui la suit sous des arcades qui bordent une rue à grande circulation, quelque chose du rêve (mâle), on pourrait se croire à Rome… Je ne sais pas bien, voilà longtemps que je ne vais plus si souvent au cinéma, les années soixante dix sont loin, le temps des plans de travail, de tournage, des appels téléphoniques réitérés aux institutions électriques, ou en charge de l’eau, des feux tricolores, du chauffage, des costumes, l’essence dans le réservoir, le quotidien de l’assistanat est révolu.
Pour le reste, on s’ennuie : certes, les femmes sont belles, Monica, Ava et Marilyn, bien, très bien (une femme a-t-elle le droit de ne pas l’être ?), et d’autres encore, cheveux longs (jamais courts surtout : Jean Seberg, au secours!!!). Mais explique-t-on pourquoi Sylvana Mangano danse dans « Riz Amer » (1949, Guiseppe de Santis)? Nous dit-on pourquoi Constance Towers bastonne ce michton et nous explique-t-on pourquoi elle porte une perruque (« The Naked Kiss », Samuel Fuller, 1964) ? Certes, nous sommes abasourdis par les roses
dans les cheveux des faire-valoir de Marylin Monroe qui chante « les meilleurs amis des filles, ce sont les brillants » (c’est moins bien en français hein), mais que dit cette exposition, « brune ou blonde » sans doute, quelle importance ? Puisqu’elle n’explique rien, elle nous transforme (et singulièrement les hommes dont je suis) en voyeurs, les cheveux des femmes ont une dimension érotique, la belle affaire, elles savent les coiffer, et les décoiffer, on n’en revient pas. Quelques petits films (dont un titré « Bette Davis » à pleurer tant il ne fait aucun honneur à cette grande, si grande dame du cinéma, qui interprétait si magistralement Margo Channing dans ce magnifique film « All about Eve » (Eve est Anne Baxter, sordide- 1950, Joseph L. Mankiewicz)), ce sera tout (un peu de la cruauté du cinéma devant ces enfants d’Abbas Kiarostami), on sort par la boutique souvenir. Hollywood sur Seine.
Un peu de sens, serait-ce trop demander ?
En sortant, je me suis souvenu de la gratuité de cette exposition : si on achète (fort cher) un billet de cinéma dans cette chaîne, on vous remet une entrée valable jusqu’au 15 je crois bien; et je me suis demandé pourquoi, cette gratuité (il faut du monde pour qu’il y ait du monde). Et puis je me suis souvenu des responsabilités tenues par le krypto-ministre de la culture (à moins qu’on en change, là).
Je me suis dit qu’ici avait lieu une forme moderne et actuelle de la culture qui sait tellement se saisir du rien pour n’en faire rien (on appelle de nos jours cette turpitude de la « communication »)..
Je me suis souvenu avec mon amie,
sur les quais du métro de « A bout de Souffle » et Jean Seberg qui, son pouce sur ses lèvres, imitant Bébel imitant Humphrey demande : » mais qu’est-ce que c’est, dégueulasse ? », vous vous souvenez ?
Ce qu’il y a, c’est que depuis bien longtemps (j’ai vu mon premier film en 1957, ça commence à faire un vieux bail, et ça s’appelait « La Chose venue d’un Autre Monde »… brrr…) depuis bien longtemps j’aime le cinéma. Beaucoup. Et aussi j’aime ce bâtiment, ce terrain et ce quartier, quasi mortel…
Ils auraient pu élargir aux « coiffures » en général, au sens de tout ce qui se porte sur la tête, et on aurait vu par exemple, les bonnets de bain d’Esther Williams, ou le voile de la Religieuse de Rivette, sans oublier le casque de Ben Hur et celui de Moretti sur sa vespa et les beaux chapeaux de Bogart… enfin vous voyez le genre
le genre oui… Exactement. Merci d’être passée…
Oh, All about Eve, un de mes films favoris, peut-être… (je n’avais pas envie de voir l’exposition, ton article ne fait que me le confirmer… pourtant j’aime tous les acteurs que tu cites) (n’avais pas envie de la voir, précisément, pour les raisons que tu donnes)
Loin de l’expo, ma petite liste de bruns : Marlon, évidemment, Marcello itou, et Vittorio Gasmann ; et de blonds : Richard Widmark, évidemment ; Paul Newman ; et, euh…, Richard Widmark ? (si j’ennuie, il faut le dire, hein ?!)
Ah Richard et son rire (on le fête tous les 30 avril, je crois …?) (il y aura aussi Charles Denner et Gian Maria Volonte)(sans compter Lino avec son autobus, et Sean avec son Aston Martin) (bon enfin…)
Peut-être relire « La chevelure », de Baudelaire ?
J’avais adoré la séance, dans cette même cinémathèque, avec Dennis Hopper sur scène, et la projection d’Easy Rider. Peter Fonda avait les cheveux nettement plus longs que ceux de Jack Nicholson !
Il est vrai que ce quartier – hors l’exception de son beau bâtiment – n’a rien de cinétique.
La première photo montre quoi, un transformateur égaré ?
Je pense (je ne sais pas ce que c’est) qu’il s’agit d’une machine à s’absoudre de billet… Baudelaire me semble trop loin, beaucoup trop loin, des producteurs de cette exposition (nul doute qu’ils s’en réclameraient si ce type de critique parvenait à leurs élites oreilles)… Il y avait aussi Phil Spector dans ce film qui finit mal… en tout cas, Chasse-Clou, vive le ciné !
Où il est question de chevelures : http://queau.eu/?p=1393