Métier
Le métier, c’est de savoir ce que conserve « le public » lorsqu’il est confronté à quelque chose, une exposition, notamment, ou un film ou un tableau. Cela se nomme la réception. Au théâtre, on appelle ça « l’encaissement » (il existe, il est vrai, dans la plupart des lieux où j’officie, des caisses où « le public » s’acquitte d’un droit d’entrée matérialisé par un billet
déchiré le plus souvent à l’entrée de ces lieux plus ou moins sanctuaires – c’est quelque chose qui change, cette sanctuarisation, mais elle est tout de même présente, ne serait-ce qu’à l’esprit des visiteurs, on parle bas, on empêche les enfants de courir…).
Ce jour-là, il y avait du vent. Quelques centaines de personnes attendaient l’ouverture des portes, dans un vent frais (le vent). Il était onze heures.
Il s’agissait d’un musée d’art moderne. Toutes ces images en proviennent.
Le travail, le métier, la pratique, c’est connaître préalablement les lieux et demander aux « visiteurs » ce qu’ils en ont pensé, retiré, acquis, retenu, ainsi que ce qu’ils peuvent en critiquer, juger, défendre, remarquer dans les oublis, les pauses, les fautes et les services.
Certains (la plupart, malheureusement) appellent ce type de travail une « enquête de satisfaction » ce qui est non seulement impropre mais de plus biaisé : pour mesurer une satisfaction, encore faudrait-il qu’elle existe. Or, ne l’impose-t-on pas en la nommant a priori ? Et si elle n’était pas au rendez-vous, comment le saurions nous ?
Les institutions aiment se savoir aimées, il en est ainsi sans doute comme des humains.
Voir l’état de décrépitude du monde qui nous entoure en dit long sur ce fantasme mais est-ce, cependant, une raison suffisante pour oublier qu’on peut les critiquer ? Et leurs servants savent-ils, eux qui se drapent le plus souvent dans un impoli mutisme au sujet de cette « insatisfaction » problématique, ce qu’ils perdent à ignorer, à ne pas vouloir parler, à penser qu’ils n’ont pas besoin d’en parler ? Avec quiconque leur paraît inférieur, évidemment.
Mon vieux Marcel
Les ouvertures sur le monde, la transcription de ce que des humains (des artistes) ont fait, ont vendu, certes, les émanations de leurs âmes (il faut oser le mot hein) et de ce qu’ils cherchent toujours, malgré tout, malgré notamment les mutismes, les fins de non recevoir, les hypocrisies malingres, les médiocres jugements à l’emporte pièce, toutes ces attitudes si souvent relevées de la part des institutions envers ceux qu’elles aduleront
dans quelques années (les exemples ne sont que légion) ne pourraient-elles, quelques fois, céder le pas à de simples mouvement d’acceptation ?
Il semble que non.
Des êtres humains se tueront pour leur art, d’autres pour leur travail (qui en est un aussi), le temps passera et l’Etat continuera à construire des musées. Nous les visiterons, nous verrons ce bleu,
le bleu du Klein
ces lunettes, ces sourires. Nous regarderont aussi ces découvertes que nous donne l’architecture du lieu.
photo MC©
En sortant, quelqu’un viendra recueillir nos sentiments, sensations, souhaits. Nous dirons
, peut-être quelques mots sur ce tableau, ces couleurs.
Photo MC©
Et puis le temps glissera. Nous passerons sous les arcades des voies de chemin de fer, la ville ne sera pas si éloignée finalement,
le vent continuera de souffler, les images resteront et pour nous, j’en rends compte ici en remerciant par delà le temps et l’espace la force et la ténacité de ces gens face à ce que d’autres, comme eux, pourtant, exactement des semblables, ont réalisé, puis fabriqué et rendu visible à d’autres semblables mais au prix de quelles turpitudes…
Non, il n’y a pas à dire, j’aime les artristes.
et certains se tairont, faute de savoir dire, ou faute de le vouloir – et ne seront peut-être pas satisfaits, mais heureux parce qu’ils auront eu colloque avec certaines oeuvres, et auront eu la sagesse et la possibilité de passer rapidement sur ce qui était mort ou neutre pour eux
Ce Mondrian renvoie à ceux de Beaubourg : j’aime bien quand un peintre n’a pas la figure « habituelle » de l’artiste.
Le Beaubourg décentralisé, je devrais aller le voir, il vaut le détour, dirait-on : j’ai lu qu’ils avaient dépassé amplement leurs prévisions de fréquentation, ce qui prouve que la « satisfaction » n’est sans doute pas comptable !
Les photos nous emmènent déjà sur place, reste à prendre le train pour parachever le voyage.
[…] accrochage, musée d’art moderne, centre Pompidou, la maison, les halles, « Touche pas à la femme blanche », […]