William Kentridge au Jeu de Paume
Il y avait pas mal de monde. Ca ne veut rien dire, pas mal de monde, mais c’est comme ça. Dehors,
il y avait un ciel bleu comme on les aime : chaud, un tout petit vent, à l’ombre on avait presque froid, quand on sortait des arbres, ça nous tombait un peu dessus, on posait sur notre nez les nouvelles lunettes de soleil qu’on venait d’aller chercher au bout de la rue (de Concorde à Saint Paul, il y a cinq stations de métro, une paille : rue de Rivoli, juste après c’est rue de Vaugirard et rue des Pyrennées).
Le musée du Jeu de Paume : à l’entrée, un lion qui regarde obélisque et tour Eiffel.
L’obélisque et la tour Eiffel.
Dans le rue de Belleville, la tour Eiffel aussi, qu’on voit si on se tourne vers Paris, en laissant le 72 sur sa gauche.
Ca n’a rien à voir : resserre le propos s’il te plaît.
Ca va. Le type est né en 1955 et ce qu’il fait, c’est du vrai cinéma. J’adore ça. L’exposition commence au premier étage. On y découvre quelques uns de ses dessins. Une sorte de story-board, mais en grand. J’aime ça. Il dessine en noir et blanc. Allez savoir pourquoi. Il y met très rarement un peu de bleu, un peu de rouge. Rarement. Très.
Il s’appelle William Kentridge. C’est ce qu’on appelle un artiste. Il se met en scène : on aime sa rondeur, sa calvitie, ses traits. Il est marrant. Il imite un cheval qui marche, les deux pattes avant. Puis les deux arrière, il est un peu courbé. Puis il fait glisser la première prise de vue sur la seconde. Puis il y met du noir.
Dans une autre salle, une sorte de lanterne magique à l’envers.
Une anamorphose. J’ai pensé à ce que nous disait, il y a trente ans, le projectionniste de l’institut d’art et archéologie de la rue Michelet. Les anamorphoses, les formats, les 1,82 et le cinémascope.
Il y avait là pas mal de monde.
Le cheval est là (par exemple). Et le rhinocéros (pas réussi à le capturer).
Et les personnages (ici de petites statues).
Si quelqu’un cherche à savoir ce que c’est que le cinéma, il suffit d’aller voir ses films : c’est exactement ça. Si on aime le cinéma, on aime Méliès : et si on aime Méliès, on aimera Kentridge. On met des acteurs devant une caméra, et les acteurs jouent. Voilà tout. Cette histoire-là peut-être drôle, tragique ou simple : ici, c’est tout à la fois. En continuant l’exposition, cela se passe dans l’auditorium en sous-sol (un froid de climatiseur, des sièges qui grincent un peu, des gens, certains dorment, la veste en couverture, on était pas mal à regarder les quelques courts métrages, magnifiques, magnifiques, seulement magnifiques).
C’était samedi. Après ça, il y a eu cette jolie salade, puis la République.
Aujourd’hui, les enseignants sont en grève, et je salue.
Demain tout le monde y sera dans la rue, et ce sera tant mieux. Même s’il pleut. Parfois, je suis un peu fatigué de la vie. Parfois, je l’aime. Comme samedi dernier.